Révoltes – L’Hérault du jour

“QUE CHAQUE INDIVIDU TROUVE SA PLACE”

Trois têtes pensantes aux “gens du quai”. Qui s’entremêlent pour proposer des spectacles déroutants mais irrésistibles. Nous avons entrepris celle qui installe le dispositif scénique, celle qui est “avant” la représentation.

Un entretien avec une jeune fille qui brille d’une belle énergie, engagée pour que le monde devienne différent par le biais de l’art.

Tu es connue par les amateurs d’art contemporain, qui t’ont forcément déjà croisée.

Je travaille pour le Fonds régional d’art contemporain. Pour une association, Snark, qui soustraite pour le Frac. Je suis l’assistante d’Ami Barak, le Directeur. Parfois je suis commissaire d’exposition, parfois j’écris dans des catalogues, parfois j’assiste les artistes. J’ai un D.E.A d’histoire de l’art, obtenu à Aix en Provence.

Quand on parle des “gens du quai” dans le milieu de la danse, on dit : “Anne Lopez”. Et puis à vous voir travailler, on découvre une vraie direction collective ?

On travaille à trois. Le système de subventions, les gens, ont besoin d’un nom, en l’occurence celui de la chorégraphe. On veut travailler différemment, et on le fait mais ça ne passe pas. Ceci dit comme on s’entend très bien, qu’on n’est pas dans un rapport de pouvoir et que notre particularité c’est précisément de travailler à plusieurs, de mettre toute notre énergie, nos capacités pour UN projet, celui qui nous intéresse avant tout, bon, ça ne nous fait pas mal. Mais on a quand même l’impression de ne pas être compris.

Tu es depuis longtemps dans les “gens du quai” ?

Depuis la création de la compagnie. L’association a été créée en 1993, c’était un lieu de rencontre, de travail commun. En 1998, il y a eu le projet de créer une pièce. C’était une recherche sur le mouvement et le son. Mais on ne préjugeait pas de faire un spectacle.

C’est toi qui as introduit les télés sur scène ?

On ne peut pas dire que c’est l’un ou l’autre. Chacun des trois concepteurs amène des idées. D’abord on a une idée très, très large : on a dit “révolte”. La, les révoltes ! Les trois, on est très curieux, très perméables à ce qui nous entoure. Mais on a des visions très différentes, on ne vient pas des mêmes champs à la base. Ensuite, on confronte nos idées et on garde ce qui peut porter le projet. Pas uniquement ce qui nous plait ou nous tient vraiment à coeur. Si on sent que pour le projet ça va parasiter, on renonce.

Tu amènes une sensibilité particulière ?

Je suis très “art contemporain”. Anne et François sont en dehors de ça. Ce n’est pas un mythe, le monde isolé de l’art contemporain. Il n’y a pas ou peu de travail d’initiation à l’école et c’est très peu diffusé, médiatique. A moins d’aller spécialement dans un lieu d’exposition, on ne peut pas voir grand chose. On a peu accès à cet art. L’art ancien paraît plus accessible. Parce qu’il y a une histoire, des références communes.

Le dispositif scénique impose une structure cubique plein centre, un Quartier Général. C’est un combat contre quelque chose, la pièce “révoltes” ?

Le mot “révoltes” pose question. On ne s’inscrit pas dans une revendication au sens strict. Ce n’est pas “rebelle” mais c’est une révolte intérieure, intime, de l’ordre de l’humain. Il y a un environnement, un dispositif qui oblige le spectateur à circuler. Qui considère le public sur le même plan que les danseurs. Ce qu’on revendique, c’est que chaque individu trouve sa place. C’est l’engagement qui nous intéresse, donc le rapport à l’autre.

A vous voir, on ressent une énergie communicative ?

On veut faire quelque chose de toujours différent, pour se stimuler. Une des particularités, c’est qu’on s’attache à l’autre, donc à une connivence possible entre les danseurs et le public. Là on donne au public une mobilité, et la mobilité mentale va avec la mobilité physique. Et puis le public prend sa responsabilité de la vision du spectacle. Si quelqu’un a envie d’intervenir, il peut. On ne le recherche pas mais ça peut arriver. Et puis il y a la dimension du miroir. Engagement, questionnement sur soi. Il y a un dispositif qui exagère tout ça sur scène, mais je ne veux pas le dévoiler.

Entretien avec Céline Mélissent, Jean-Marc Douillard, L’Hérault du jour, 30 novembre 2000

“UNE DANSE EN PRISE”

Un spectacle aux Ursulines qui devrait réunir plusieurs types de public. Un nom à retenir : les gens du quai.

Parfois les spectacles sont plus importants que leur réussite elle-même. Ils marquent l’arrivée de quelque chose. En l’occurence d’un “groupe”, au sens du groupe de rock, mais qui ici assemble une chorégraphe, un musicien, une plasticienne. Les trois arts qui bougent le plus en ce début de millénaire sont réunis dans “les gens du quai”. Et se dévoilent dans un spectacle nommé “révoltes” où le spectateur déambule, confronté à une musique, un espace, des lumières et des danseurs, qui tous sont autonomes et qui ensemble font sens. Un spectacle qui peut satisfaire les amateurs des Chemical Brothers, les fous de danse, les tenants de l’art contemporain, les fondus de science-fiction.

Une chorégraphie qui peut être vue comme un film de S-F, genre Alien, qui se focalise sur des guerriers s’entrainant dans leur vaisseau avant une mission, et qui passent des moments de détente dans leur cabines (genre appartements d’Hélène et les garçons). Mais ça peut être autre chose. C’est comme le spectateur le veut, le voit. Suivant son humeur, son angle de vue (il peut bouger).

Bref, une oeuvre péchue, jeune, réconciliatrice – underground et grand public à la fois. Un truc à voir, un nom à ne pas oublier.

Jean-Marc Douillard, L’Hérault du jour
30 novembre 2000

Written by: Camille